L'Art de faire bonne impression

5 avril 1874. Au 35 boulevard des capucines, dans la succession de salons des étages de l'ancien atelier du photographe Nadar, voilà les Danseuses de Degas qui côtoyaient la Moderne Olympia de Paul Cézanne, mais aussi la partie de Cache-cache immortalisée par Berthe Morisot, La Parisienne d'Auguste Renoir ou encore l'Étude de ciel d'Eugène Boudin. Autant de toiles, considérées aujourd'hui comme de véritables chef-d'oeuvres, mais qui en leur temps feront audacieusement figure de manifeste pour la modernité, la liberté, et contre l'académisme.

En un mot : scandale. Les critiques seront alors d'une absolue violence : on y dénoncera un "gâchis insensé", un amas de "non-sens", une "abnégation des règles les plus élémentaires du dessin". Preuve s'il en fallait encore de la dimension révolutionnaire des nouvelles propositions picturales portées depuis des années déjà par une génération de peintres avant-gardistes.

Un collectif éclectique, mû cependant par la volonté commune de s'extraire des contraintes esthétiques de leur temps : faire entrer la lumière, sortir des ateliers, délaisser tout prétexte mythologique ou historique pour s'intéresser aux paysages, à la foule, à la crudité des scènes de la vie quotidienne. Au comble du mépris un journaliste baptisera la trentaine de peintres exposés du nom "d'impressionnistes". Un terme qui lui avait été inspiré par "Impression, Soleil Levant" de Claude Monet. Sur le temps long, l'Histoire se révèle parfois cocasse. Mais pour l'heure, le succès de ce premier salon indépendant est mitigé. Aucune toile ne sera vendue.

Peu importe, car l'exposition de 1874 s'inscrira comme l'avènement d'une nouvelle voie que poursuivront ses principales figures jusqu'en 1886, et que s'approprieront à leur manière des générations d'artistes après eux, de Van Gogh à Bonnard, des post, néo ou para-impressionnistes. Plus qu'un mouvement stricto sensu, l'impressionnisme se voudra d'abord un esprit, une attitude, et en un sens, la porte d'entrée vers l'art moderne.